Giuseppe Pagano : « La dette historique de la Wallonie, oui, c’est grave, mais… »

À l’occasion de la publication de son livre aux Editions de l’Université Ouverte, le professeur Giuseppe Pagano a accordé une interview à Thierry Denoël, journaliste au Vif/L’Express.

Dans ce livre intitulé « Finances Publiques : La Belgique Fédérale dans l’Europe », il évoque l’endettement que les crises, notamment celle que nous vivons, viennent gonfler car elles forcent les Etats à intervenir. Deux milliards d’euros sont promis par le gouvernement wallon pour la reconstruction après les inondations, et ce ne sera sans doute pas suffisant, Surtout après les mesures de soutien durant la Covid. Il faudra emprunter, encore et encore. En 2024, l’ardoise de la Wallonie pourrait représenter 300% de ses recettes.¹ Dans cette interview, il approfondit le sujet de la dette wallone, le contexte politique actuel mais aussi les perspectives de croissance une fois la crise sanitaire passée.

Nous avons sélectionné quelques extraits. L’entièreté de l’entretien est à retrouver sur levif.be

Ce cumul des crises survient alors que la dette wallonne était déjà importante. La dette consolidée dépassera les 32 milliards d’euros fin 2021. C’est grave, professeur?

Bien sûr, c’est grave. Elle a quasi doublé en quelques mois. Ce niveau d’endettement est totalement inédit pour la Wallonie, depuis la création des Régions en 1980. C’est grave au regard des obligations européennes qui imposent de réduire le taux d’endettement de 2% chaque année. On sait que ces règles ont été mises au frigo temporairement et c’est une excellente idée. Mais le traité dont ces règles sont issues n’a pas été modifié. Que fera l’Union européenne en 2023, 2024? Personne ne le sait. C’est grave également à cause de l’effet boule de neige, car la dette augmente plus vite que le PIB. Cela vaut pour tout emprunteur: si sa dette augmente plus vite que ses revenus, au bout de quelques années, cela devient très problématique.

Mais il y aura une reprise de la croissance quand on sortira de la crise sanitaire. Donc, les taux repartiront à la hausse?

Il y aura un effet rebond de 3%, 4% voire 5%, pendant un an, sans doute. Ensuite, la croissance devrait reprendre un train plus normal d’environ 2%, si tout va bien. Si la période de croissance s’avère longue, on ne peut exclure une remontée des taux plus forte que celle déjà évoquée, à 1% ou davantage même, ainsi qu’une remontée de l’inflation. C’est automatique. Comme je l’ai dit, la dette est un risque. C’est pour cela qu’il serait judicieux de mettre rapidement au point un pacte budgétaire à l’échelon wallon, soit un accord entre tous les partis de la Région ou, au minimum, ceux du gouvernement, dans lequel ceux-ci s’engageraient sur une trajectoire de désendettement à appliquer dès l’issue de la crise du coronavirus.

Dans votre livre, il vous faut trente-quatre tableaux pour expliquer l’essentiel du financement des Régions et Communautés, dû aux six réformes de l’Etat. N’est-il pas temps de simplifier tout ça?

Je ne suis pas politologue, mais du seul point de vue technique, une Belgique à quatre Régions me semble inévitable. Neuf entités fédérées, à cause du bilinguisme de Bruxelles, c’est beaucoup trop. Il est certainement possible de trouver un cadre institutionnel plus effilé, dans le respect des néerlandophones et des francophones de la capitale. La situation actuelle est d’autant plus absurde que, même avec la décentralisation accrue, les Communautés n’ont aucun pouvoir fiscal, contrairement aux Régions. La Communauté flamande, l’entité la plus importante après l’Etat fédéral, ne peut faire ce que la plus petite commune néerlandophone de quatre-vingts habitants – Herstappe, dans le Limbourg – peut faire: lever des impôts.

[1]Denoël, T. (2021, 16 août). Giuseppe Pagano: « La dette historique de la Wallonie, oui, c’est grave, mais… » Le Vif